TOKYO DES TÉNÈBRES

Deuxième tome de la Trilogie japonaise


EXTRAIT

“Il était peintre… et mendiant. Il peignait l’eau. Où qu’il soit, il avait toujours peint l’eau, cet élément instable, fuyant.
C’est lui qui, le premier, remarqua le cadavre. Il le scruta avec attention, non parce qu’il était surpris ou effrayé, mais parce que son métier de peintre lui avait appris à regarder. Le corps était celui d’un homme plutôt trapu, bras et jambes écartés, vêtements gonflés d’air, flottants autour de lui.
Des cris aigus lui firent lever la tête. Des mouettes tournoyaient dans le ciel au-dessus du pont. Elles étaient trois ou quatre, elles seraient bientôt des dizaines à escorter le mort jusqu’à la mer. Un bateau passa, fendant la rivière de son étrave.
Le peintre prit son carnet de croquis et d’un trait, dessina la forme entrevue, à peine une ombre dans la mouvance de l’eau.
L’homme n’avait pas de tête.
Il était décapité, comme les condamnés de jadis, ceux qui traversaient le pont des Larmes avant d’être exécutés sur la terre de Kotsukappara, dans le quartier maudit de Sanya. Quelques siècles plus tard, celui-là glissait sous les ponts de Tokyo avant de s’enfoncer dans les eaux salées du port marchand.
Autrefois, songea le peintre, on exposait les têtes le long de la grande route Oshu-kaido qui conduisait vers le Nord. Il se demanda si l’assassin ferait de même. Un frisson remonta de ses reins jusqu’à sa nuque. Il essuya son pinceau et l’enroula dans un carré de tissu, puis il glissa son carnet dans sa poche, remit son chapeau de paille et fit demi-tour, de ce pas lent, un peu hésitant, qui était devenu le sien.”

L’HISTOIRE

On a jeté un corps dans la Sumida, cette rivière qui traverse Tokyo avant de se jeter dans son port marchand. La tête de la victime a été déposée sur le champ d’exécution des shoguns Tokugawa. Un terrain devenu, au XXe siècle, un parking d’autobus. La victime est un yakuza. D’autres suivront, des burakumin, ces non-humains rejetés par la société japonaise…
Un livre inattendu, noir et poétique, au suspense haletant, un voyage entre Moyen âge japonais et XXIe siècle…
Une fois de plus, Viviane Moore sait nous surprendre et nous enlever à nous-mêmes. Le titre de ce livre est un hommage de l’auteur à un journaliste japonais qui se disait, au 19e siècle, l’“étudiant de l’université de la pauvreté”, Matsubara Iwagoro. Un des premiers enquêteurs à avoir osé explorer le monde des bas-fonds de la société japonaise.
“La nuit tombe et, avec elle, mes pas m’entraînent vers le monde des ténèbres.”
MATSUBARA Iwagoro (1866-1935)

DÉDICACE DE L’AUTEUR SUR FRANCE INTER

Était-ce la découverte des jardins de pierres, de l’architecture, du cinéma, de la poésie, ou de ces singuliers faits divers glanés au fil des médias ? Le Japon m’a toujours fasciné, me fascine… Et Tokyo où pourtant, je n’ai passé que huit jours, davantage encore. Une ville qui brouille ses traces, qui s’efface en grandissant, à la fois ultra-moderne et médiévale.
Après un premier livre sur le Japon : Intramuros, j’ai eu envie de l’explorer plus avant, de comparer ces cartes de Tokyo dont aucune n’est semblable à l’autre, d’en tirer une histoire à cheval entre la modernité et les rituels de l’ère shogunale, entre Godzilla et les champs des supplices où l’on exposait les têtes des condamnés à mort. Une histoire de sang et de pureté.
Le regard d’un peintre mendiant ouvre le livre, la vie des otaku (ces enfants qui refusent le monde et s’enferment chez eux) en est le nœud et puis, il y a les yakuzas qui ne sont plus ceux de la légende et les burakumin, ces trois millions de parias fichés sur Internet…
Après, tout s’est enchaîné très vite, l’intrigue, les cadavres qui dérivent sur la rivière Sumida escortés par des vols de mouettes, ce garçon qui ne communique avec ses parents qu’à travers un sas, cette Japonaise qui erre dans le ghetto de Sanya, cette fleur de liseron bleu au bas d’un tableau…
Tokyo des ténèbres était né. »

Tome 1 – Tokyo Intramuros 
Tome 2 – Tokyo des ténèbres
Tome 3 – Ombre japonaise

Éditions Elytis
Épuisé chez l’éditeur
Format 115 x 150 mm
Broché, 272 pages
ISBN 978-2-91-465999-4
13,90€

Éditions Flammarion
Collection Noir
276 pages
18 euros
Parution 10/2001
Épuisé

J’ai Lu
Thriller
223 pages
5 euros
Parution 10/2002